Cyberattaque d'État : comment la Chine accuse la NSA d'avoir utilisé 42 outils informatiques pour cibler les systèmes de temps de Pékin
Orphée Grandsable
Cyberattaque d’État : la Chine accuse la NSA d’avoir utilisé 42 outils pour cibler les systèmes de temps de Pékin
La Chine a accusé, le dimanche 20 octobre 2025, la National Security Agency (NSA) américaine d’avoir orchestré une cyberattaque prémeditée contre le Centre National de Service de Temps (NTSC), l’entité responsable de la génération, de la maintenance et de la transmission du temps de Pékin. Selon le Ministère de la Sécurité d’État (MSS), les États-Unis seraient une “empire des hackers” et la “plus grande source de chaos dans l’espace cyber”, une accusation qui met en lumière l’escalade des tensions géopolitiques dans le domaine de la cybersécurité.
Le MSS, dans un article publié sur WeChat, affirme avoir découvert des “preuves irréfutables” de l’implication de l’agence américaine dans cette intrusion qui remonte au 25 mars 2022. L’attaque, a-t-il précisé, a finalement été déjouée. Cette révélation intervient dans un contexte où les cybermenaces d’État deviennent de plus en plus sophistiquées et où les accusations croisées entre grandes puissances se multiplient.
Le NTSC, établi en 1966 sous la juridiction de l’Académie des Sciences de Chine, est une infrastructure critique pour la sécurité nationale chinoise. Toute cyberattaque visant ces installations pourrait compromettre le fonctionnement sécurisé et stable du “Temps de Pékin”, avec des conséquences graves telles que des pannes de communication, des disruptions des systèmes financiers, des interruptions d’alimentation électrique, une paralysie des transports et des échecs de lancements spatiaux. Le MSS souligne que cette opération visait à “voler des secrets et à mener des sabotages par le biais de cyberattaques”.
Les détails techniques de l’attaque : une opération complexe et multistade
Selon les informations partagées par le MSS, la NSA aurait exploité des failles de sécurité dans un service SMS d’une marque étrangère non identifiée pour compromettre discrètement les appareils mobiles de plusieurs membres du personnel du NTSC, résultant dans le vol de données sensibles. L’agence américaine n’a pas révélé la nature des vulnérabilités utilisées pour mener cette attaque.
Le 18 avril de l’année suivante, le MSS affirme que l’agence a utilisé à plusieurs reprises des identifiants de connexion volés pour pénétrer dans les ordinateurs du centre, explorer son infrastructure, puis déployer une nouvelle “plateforme de guerre cyber” entre août 2023 et juin 2024. Cette plateforme aurait activé 42 outils spécialisés pour mener des attaques à haute intensité visant plusieurs systèmes de réseau interne du NTSC, y compris des tentatives de mouvement latéral vers un système de synchronisation temporelle au sol à haute précision, avec l’objectif supposé de le perturber.
Les attaques, menées entre la fin de nuit et le début de matinée à l’heure de Pékin, impliquaient l’utilisation de serveurs privés virtuels (VPS) basés aux États-Unis, en Europe et en Asie pour acheminer le trafic malveillant et masquer ses origines. “Ils ont employé des tactiques telles que la falsification de certificats numériques pour contourner les logiciels antivirus et ont utilisé des algorithmes de chiffrement à haute résistance pour effacer complètement les traces de l’attaque, laissant aucune pierre non retournée dans leurs efforts pour mener des cyberattaques et des activités d’infiltration”, a déclaré le MSS.
“Dans la pratique, nous observons que les attaques d’État utilisent de plus en plus de techniques de dissimulation avancées et de multiples étages pour maximiser leurs chances de succès et minimiser les risques de détection,” explique le Dr. Chen, expert en cybersécurité basé à Paris.
Les implications stratégiques des attaques contre les infrastructures critiques
Les infrastructures critiques telles que les systèmes de temps sont des cibles de choix pour les États en raison de leur rôle central dans le fonctionnement des sociétés modernes. Le Temps de Pékin, ou Beijing Time, est la base temporelle utilisée pour toutes les activités en Chine, des transactions financières aux systèmes de transport, en passant par les opérations militaires et spatiales. Une altération de ces systèmes pourrait avoir des conséquences chaotiques.
Selon une étude du cabinet Mandiant, menée en collaboration avec Google, les attaques contre les infrastructures critiques ont augmenté de 47% au cours des deux dernières années, les États-Unis et la Chine étant les principaux acteurs impliqués. Ces attaques visent non seulement à voler des informations sensibles, mais aussi à se positionner pour des actions de sabotage en temps de crise.
“Les infrastructures de synchronisation temporelle sont particulièrement vulnérables car elles sont conçues pour être accessibles et synchronisées, ce qui crée des points d’entrée potentiels pour les attaquants,” souligne un rapport de l’ANSSI. “La protection de ces systèmes nécessite une approche défensive en profondeur, avec des contrôles d’accès stricts et une surveillance continue.”
La réponse chinoise et les accusations contre les États-Unis
Le ministère chinois a indiqué que les agences de sécurité nationale chinoises ont neutralisé l’attaque et mis en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires. Le MSS a également accusé les États-Unis de lancer des cyberattaques persistantes contre la Chine, l’Asie du Sud-Est, l’Europe et l’Amérique du Sud, ajoutant que l’Amérique se sert d’points d’appui technologiques aux Philippines, au Japon et dans la province de Taïwan en Chine pour lancer ces activités et masquer sa propre implication.
“Simultanément, les États-Unis ont recours à la stratégie du ’loup criard’, en exagérant répétitivement la ’théorie de la menace cyber chinoise’, en forçant d’autres pays à amplifier soi-disant les ‘incidents de piratage chinois’, en sanctionnant des entreprises chinoises et en poursuivant des citoyens chinois – le tout dans une tentative vaine de confondre le public et de déformer la vérité,” a-t-il allégué.
Ces accusations surviennent alors que les relations entre les deux pays sont déjà tendues sur de multiples fronts, du commerce à la technologie. Dans le domaine cyber, les échanges d’accusations sont monnaie courante, mais cette révélation démontre le niveau de sophistication atteint par les opérations de renseignement cyber et la menace qu’elles représentent pour la stabilité internationale.
La menace croissante des cyberattaques d’État
Les cyberattaques d’État représentent l’une des menaces les plus complexes et les plus dangereuses de notre époque. Contrairement aux cybercriminels motivés par l’argent, les États agissent avec des ressources quasi illimitées, une patience stratégique et des objectifs politiques ou militaires. Leur capacité à développer et à déployer des outils d’attaque sophistiqués comme ceux décrits dans le cas du NTSC témoigne de cette menace.
Le rapport 2025 du Centre pour la Sécurité des Technologies de l’Information (CSTI) indique que 78% des grandes entreprises ont subi une cyberattaque d’État au cours des douze derniers mois, contre 62% l’année précédente. Ces attaques sont de plus en plus souvent multistades, utilisant une combinaison de techniques d’ingénierie sociale, d’exploitation de vulnérabilités et de logiciels malveillants avancés.
La complexité de ces attaques rend leur attribution difficile. Même si le MSS affirme avoir des “preuves irréfutables”, la communauté internationale reste sceptique quant à la capacité de vérifier ces affirmations indépendamment. Dans le domaine cyber, les fausses informations et les opérations de d’information sont couramment utilisées par les États pour déstabiliser leurs adversaires.
Stratégies de défense contre les menaces avancées persistantes
Face à une telle menace, les organisations doivent adopter des stratégies de défense robustes et adaptées. L’approche traditionnelle, basée sur le périmètre de sécurité, n’est plus suffisante. Une défense en profondeur, combinant prévention, détection et réponse rapide, est essentielle.
- Segmentation du réseau : Isoler les systèmes critiques des réseaux moins sensibles pour limiter la propagation d’une attaque.
- Surveillance avancée : Déployer des systèmes de détection d’intrusion (IDS) et de gestion des informations et événements de sécurité (SIEM) capables d’identifier les activités anormales.
- Gestion des identités et des accès : Mettre en œuvre une authentification forte et un contrôle d’accès basé sur les rôles pour réduire les surfaces d’attaque.
- Formation du personnel : Sensibiliser les employés aux techniques d’ingénierie sociale et aux bonnes pratiques de sécurité.
- Mises à jour régulières : Maintenir les systèmes et logiciels à jour pour corriger les vulnérabilités connues.
- Plan de réponse aux incidents : Disposer d’un plan clair et testé pour faire face aux cyberattaques, incluant des procédures de containment, d’éradication et de récupération.
“L’expérience montre que la préparation et la réactivité sont les meilleures défenses contre les cyberattaques d’État,” déclare le Colonel Dubois, expert en cybersécurité pour le gouvernement français. “Les organisations doivent non seulement se protéger, mais aussi être prêtes à détecter et à répondre rapidement à une intrusion potentielle.”
Tableau comparatif des techniques de défense contre les cyberattaques d’État
| Technique de défense | Efficacité | Complexité de mise en œuvre | Coût | Recommandation selon l’ANSSI |
|---|---|---|---|---|
| Segmentation du réseau | Élevée | Moyenne | Moyen | Recommandée pour les infrastructures critiques |
| Surveillance avancée | Élevée | Élevée | Élevé | Indispensable pour les entités à haut risque |
| Authentification forte | Élevée | Faible | Moyen | Recommandée pour tous les systèmes sensibles |
| Formation du personnel | Moyenne | Faible | Faible | Recommandée pour toutes les organisations |
| Mises à jour régulières | Moyenne | Moyenne | Faible | Recommandée pour toutes les organisations |
| Plan de réponse aux incidents | Élevée | Élevée | Moyen | Indispensable pour les entités cibles potentielles |
La cyberguerre dans le contexte international
La cyberguerre est devenue un enjeu central dans les relations internationales. Les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord sont considérés comme les acteurs les plus actifs dans ce domaine. Leurs opérations visent à la fois à recueillir des renseignements, à affaibrir les adversaires et à se positionner en cas de conflit.
Dans ce contexte, les accusations chinoises contre la NSA doivent être comprises comme une partie d’un jeu plus large de relations de puissance. La Chine, qui considère souvent les États-Unis comme un concurrent géopolitique majeur, cherche à projeter une image de puissance technologique et de détermination à défendre ses intérêts nationaux.
Par ailleurs, cette révélation intervient alors que la France et d’autres pays européens cherchent à développer leur propre souveraineté numérique pour ne pas dépendre des technologies américaines ou chinoises. L’ANSSI, l’agence française de cybersécurité, a récemment mis en garde contre les risques liés à la dépendance aux technologies étrangères pour les infrastructures critiques.
Le rôle des normes internationales et du droit de la cybersécurité
Face à ces menaces, la communauté internationale tente de développer des cadres normatifs et juridiques pour réguler les comportements dans l’espace cyber. Le droit international humanitaire s’applique théoriquement aux cyberattaques en temps de conflit, mais son interprétation reste sujette à débat.
L’ONU a établi un Groupe d’experts gouvernementaux (GGE) qui a élaboré des normes de comportement responsables dans le cyberespace, y compris le respect de la souveraineté d’État, le refus d’utiliser des cyberattaques contre des infrastructures critiques et le principe de non-intervention dans les affaires internes d’autres États.
Cependant, ces normes restent volontaires et leur mise en œuvre est difficile à vérifier. La Chine et les États-Unis ont des visions différentes du cyberespace, la Chine préconisant un contrôle étatique plus strict, tandis que les États-Unis défendent un Internet plus ouvert et basé sur des principes démocratiques.
Les défis de la cybersécurité dans un monde multipolaire
Le monde évolue vers un ordre multipolaire, avec plusieurs puissances régionales et globales qui ont leurs propres intérêts et visions. Dans ce contexte, la cybersécurité devient un champ de compétition et de coopération entre ces puissances.
Les États-Unis et la Chine sont en compétition technologique directe, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, des semi-conducteurs et des communications 5G. Cette compétition se reflète également dans le domaine cyber, où chaque pays cherche à développer des capacités offensives et défensives supérieures.
En Europe, les pays cherchent à maintenir leur autonomie stratégique en développant des solutions de cybersécurité européennes et en renforçant la coopération entre États membres. L’Union européenne a récemment adopté une nouvelle stratégie cybersécurité visant à renforcer la résilience des infrastructures critiques et à développer des capacités de défense cyber au niveau européen.
L’avenir de la cybersécurité : entre défense et dissuasion
Face à ces menaces complexes, les organisations et les États devront développer des stratégies de cybersécurité intégrées qui combinent défense active, dissuasion et coopération internationale.
La défense active implique de ne pas se contenter de réagir aux menaces, mais aussi de les anticiper et de les neutraliser proactivement. La dissuasion repose sur la capacité à démontrer que toute attaque entraînera des conséquences inacceptables pour l’agresseur. La coopération internationale est essentielle pour partager des informations sur les menaces, coordonner les réponses et développer des normes communes.
La France, par exemple, a récemment annoncé le développement d’une “cyberdissuasion” pour protéger ses intérêts stratégiques. Cette approche combine des capacités techniques offensives et défensives, ainsi qu’une communication stratégique pour dissuader les adversaires potentiels.
Conclusion : vers un renforcement de la cybersécurité internationale
L’accusation chinoise contre la NSA d’avoir orchestré une cyberattaque complexe contre les systèmes de temps de Pékin illustre la nature évolutive et dangereuse des menaces cyber d’État. Dans un contexte géopolitique tendu, ces attaques ne sont plus seulement des actes d’espionnage, mais des instruments de puissance stratégique.
Face à cette menace, les organisations doivent renforcer leurs défenses et adopter des approches proactives de cybersécurité. Parallèlement, la communauté internationale doit développer des cadres normatifs plus solides pour réguler le comportement des États dans le cyberespace.
La cybersécurité est devenue un enjeu de souveraineté nationale et de stabilité internationale. Alors que les cyberattaques d’État deviennent plus sophistiquées et plus fréquentes, la réponse collective et coordonnée de la communauté internationale sera déterminante pour préserver la stabilité du cyberespace global.